mardi 26 mai 2015

Freud explique Mad Max : Fury Road

Pourquoi le scénario de Mad Max n’est-il pas inintéressant ?

Alors que je rentrais avec encore du sable, des guitares électriques, et de l’épique plein la tête j’ai très vite cherché à savoir ce que mon ami l’internet pensait de ce film qui vient de sortir et dont tout le monde parle : Mad Max : Fury Road. Un avis presque unanime sur les grandes qualités de  l’œuvre, ses effets spéciaux ou sa mise en scène se profile sous mes yeux satisfaits jusqu’à ce que je réalise que beaucoup hurlent au scandale à propos du scénario. Alors que justement ce qui fait que Mad Max n’est pas un fast and furious bien crade c’est grâce à son scénario c’est grâce à ce qu’il nous transmet. Prend garde internet, nous sommes parti pour une analyse de Mad Max.

Mad Max, en plus d’être un film d’action pure extrêmement bien fait s’amuse à dégager des thématiques (pour beaucoup déjà présentes dans les anciens car chères au réalisateur) intéressantes : une critique de la société capitaliste, une analyse de l’autocratie et peut être du féminisme mais on y reviendra. Des thèmes pour le moins « simples », récurrents dans nos films récents mais qui sont bien là et traités de manière assez intelligente. Alors quand bien même le message de Mad Max serait primaire, il n’est pas inexistant.

Commençons par le plus simple, le plus grossier, ce qui frappe immédiatement le regard : la critique d’une société capitaliste qui s’accompagne avec une réflexion sur le totalitarisme. Remettons en place le contexte : Dans Mad Max, l’humanité s’est effondrée. Depuis la terre n’est qu’un long désert dans lequel des clans se sont formés et sont rivaux. Bref c’est une belle anarchie, Sid Vicious aurait aimé voir ça. Dans tout ce merdier Max se fait attraper et se retrouve prisonnier d’une citadelle, petite autocratie dirigée par Immortan Joe qui a vraiment mais vraiment une tête de méchant, sorte de Dark Vador sans le côté Anakin mignon qui se serai perdu durant des années sur Tatooine.

Coucou
Cette citadelle représente notre société actuelle avec des traits extrêmement grossiers et caricaturés. Ici on dépeint un peuple qui fonctionne sur le besoin, dépendant de l’eau, de la nourriture, tous ces biens que possède notre cher Joe. Ils vivent sur un mode de consommation constante (au point où l’autre est devenu un bien par son sang) et c’est ce mode de vie qui tient la société : Immortan détient les ressources ainsi il détient la population, entre tribus ils ne font la paix que par l’échange, le commerce. Dès qu’il ne s’agit pas de donner, il n’y a que la guerre en retour. Le commerce permet la paix, exactement comme dans notre monde d’interdépendances actuel. Les marques sont omniprésentes dans le film avec la fameuse « eau cola » ou « gaz ville » ce qui appuie encore plus cette démonstration d’un monde de capitalisme. Si les traits sont si grossiers c’est pour présenter un peuple caricaturé esclavagé par la consommation, qui ne se rend pas compte de ce qu’il se passe et qui obéit aveuglement tant qu’on lui donne. Se dégage dans cette première image un nihilisme pessimiste. Le nihilisme c’est le fait que « les  hautes valeurs se dévalorisent ». C’est une notion introduite par Nietzsche (le philosophe dont personne ne retient l’orthographe du nom) à la fin de XIXe et reprise plus tard par Cioran, philosophe roumain d’expression française qui, au nihilisme rajoute le pessimisme, donnant une vision sans espoir de l’humanité : « […] nous galopons vers des horizons d'apoplexie, vers les miracles du pire, vers l'âge d'or de l'effroi. » écrit-il à propos de sa société, ce qui illustre bien l’image de l’humain du futur que nous offre Mad Max.

Sauf que nous vivons au sein de "démocraties" principalement alors que dans le film il s’agit d’une autocratie, il n’y a qu’un homme à la tête de tout ceci, Immortan qui pourrait représenter à lui seul l’élite possédant les ressources qui nous asservie en quelques sorte. En effet, si on maintient l’idée que le film représente notre société, il nous montre aussi en quoi nous vivons aujourd’hui dans une sorte de tyrannie, celle des grandes marques et des élites. Pourquoi Immortan Joe est-il devenu un tyran ? Petit 1, parce qu’il s’est accaparé les ressources. Mais surtout petit 2, parce que son peuple est ignorant. Selon La Boétie, humaniste du XVIe siècle, si les tyrannies montent ce n’est pas plus la faute du despote que celle du peuple qui est complice de tout ceci en l’acceptant. Bien plus tard Hannah Arendt au lendemain de la seconde guerre mondiale, poursuivra cette réflexion en se demandant d’où vient l’acceptation du peuple. Celle-ci ne vient pas forcément de la lâcheté ou de la peur mais de la bêtise. On annihile la capacité de réflexion des masses qui acceptent comme des bêtes. Dans Mad Max, le peuple est ignorant, ce qui est illustré par la réplique de Splendid lorsqu’elle jette Nux du camion : « Alors qui a détruit le monde ? ». Elle ne sait pas, personne ne sait, la situation est arrivée et comme personne n’en connait la cause elle est acceptée. Dans notre société actuelle, seule l’élite sait comment fonctionne vraiment le commerce ou même la politique et c’est cette absence de connaissances qui plonge, dans le cas du film les personnages sous la domination d’Immortan et dans le cas du parallèle avec notre société, sous la domination des entreprises. Tout comme les personnages ne vont pas manifester auprès de leur chef pour récupérer plus d’eau, il ne nous est jamais venu à l’esprit d’aller casser l’entreprise Evian pour récupérer cette ressource naturelle.

Tes mamans
Si les femmes sont si importantes dans le film c’est qu’elles représentent l’appel à la révolte et qu’elles mettent en place le schéma du meurtre du père théorisé par Freud lui-même. Si le réalisateur a choisi des femmes pour ce rôle je ne suis pas sûre que cela soit du féminisme ostentatoire mais je pense que les femmes ont été choisies pour symboliser l’image de la mère, c’est-à-dire l’opposé direct du père mais peut être que je me trompe. Ces demoiselles sont les Lumières et de par leur capacité reproductrice, elles sont l’espoir. Le peuple ignorant représenté par Nux devient éclairé face à l’intelligence d’une des filles et comprend et n’accepte plus le tyran. La jeune fille blonde évoque les premières formes de déisme (c’est-à-dire le pouvoir de pratiquer la religion comme on l’entend) lorsqu’elle prie en disant qu’elle ne s’adresse à personne en particulier. Les femmes ici sont la philosophie des lumières. Et ce sont ses femmes qui [ici on part sur une base de spoil alors libre à vous de continuer] vont tuer Immortan Joe, le père. Selon Freud, le meurtre du père est l’avènement de l’acte social, c’est la création d’une fraternité autour du crime qui permet la destruction d’une tyrannie stérile (projet social assez véridique dans l’histoire, pensons à l'exécution de Louis XVI qui a unie toute une partie du peuple français autour du meurtre du père de la nation).

Alors comment comprendre Mad Max ? On peut le voir comme un film qui dénonce notre asservissement à l’élite autoproclamée. On pourrait peut-être aussi y voir un appel à la réflexion, à la volonté de ne plus être « suiveur » mais chercher à comprendre ce qui nous entoure et après choisir de l’accepter ou pas. Mais il est possible que je verse dans la surinterprétation puisque mon point de vu jusque-là est influencé par des réflexions très personnelles. De plus je n’ai pas tout évoqué et Mad Max peut être analysé plus rigoureusement que ça. Mais il n’empêche que le film est plus qu’une course poursuite de deux heures et qu’il tente de dégager des enjeux que chacun est libre d’interpréter comme il le veut.

Nerd Anonyme

vendredi 22 mai 2015

Aristote défend ton jeu vidéo préféré

Le jeu vidéo est-il un art ?



Lorsque le cinéma est apparu dans notre vie, la plupart des personnes n’y croyaient pas. Les Frères Lumière eux même prenaient tout ceci pour un jeu. Ils s’amusaient simplement à tourner des choses pensant que ce qu’ils faisaient n’avait aucun avenir et que l’activité était en somme très vaine. De fils en aiguilles, ils ont réalisé que des images projetées sur un écran pouvaient rapporter de l’argent et que filmer était peut être certes vain mais rapportait des billets verts. Le cinéma, de distraction pour quelques bonhommes, devient un objet de vente. Et puis ensuite ? Aujourd’hui, le cinéma est considéré comme le 7ème art, on ne compte plus les cinéphiles à travers le monde, les films la plupart des gens aime ça, c’est accessible et ça regorge de possibilités. Voilà en traits extrêmement grossiers, le passage d’objet vain à art total. Alors, le jeu vidéo est-il un art ?

Les plus nerds d’entre nous lèvent déjà le poing un hurlant un « ahou » très spartiate et virile parce que le jeu vidéo, on aime ça et si on nous demande, oui, c’est un art. Mais en cas de dîner mondain avec des intolérants il faut avoir des arguments, et si on est un geek mais qu’en plus de ça on sort des références pédantes pour convaincre, ça marche à tous les coups.
Avant de se demander en quoi le jeu vidéo est un art, je pense pertinent de retourner le problème en utilisant un syllogisme (mais si vous savez, « Tous ceux qui n’aiment pas les croquettes sont des hommes, or mon chat n’aime pas les croquettes, donc mon chat est un homme  » est un exemple de syllogisme). C’est-à-dire se poser la question, pourquoi le jeu vidéo ne serait-il pas un art ? Si j’utilisais prétentieusement le mot syllogisme il y a quelques lignes c’est parce que cette technique de raisonnement logique fût inventé par Aristote, notre bon vieux philosophe grec, et que justement pour défendre nos consoles il va falloir invoquer cet ancien parce qu’Aristote il est quand même badass, il a fait des réflexions sur à peu près tous les sujets du monde des sciences jusqu’à la littérature, c’est un peu le pilier de la philosophie, c’est notre yoda à nous quoi.

Donc Aristote qui aimait parler de tout a un jour gratté sa belle barbe et s’est dit qu’il fallait bien parler de l’art. Alors qu’est-ce que l’art pour lui ? Nous allons découper sa définition par petits bouts et voir ce qu’on peut en faire avec notre démonstration. Selon lui, l’art consiste dans un premier temps à « une disposition à produire accompagnée de règles ». Je ne crois pas avoir besoin de beaucoup argumenter là-dessus. La production d’un jeu vidéo nécessite bien évidemment une grande technique. Je ne pourrai programmer un jeu vidéo sans la moindre connaissance, sans suivre parfaitement les lignes de codes. Tout ce qui est produit par un ensemble de règles est un art, or le jeux vidéo est produit par un ensemble de règles, donc le jeu vidéo est un art (je trouve qu’on pourrait résumer la technique du syllogisme par « ferme ta gueule j’ai raison ».).
Ensuite, parce qu’Aristote il devait poser des heures pour qu’on grave sa gueule dans le marbre donc il avait le temps d’approfondir sa réflexion, l’art « se meut dans le domaine du
contingent. » Alors déjà une petite précision sur ce qu’est le contingent selon ce monsieur. Le contingent c’est quelque chose qui n’est pas nécessaire, qui pourrait être ou ne pas être (telle est la question), qui pourrait être différent. Effectivement, autant le jeu vidéo ça occupe bien les journées, autant s’il n’existait pas ça ne referai pas la surface de la planète. Assassins creed est, Interstellar est, mais mon assassin pourrait être un petit chat aussi bien que Matthew McConaughey pourrait être Nicolas Cage (ahahahahahahahahah). Ces deux œuvres d’art peuvent être différentes elles ne sont pas régies par des lois immuables. Tout ce qui est contingent est un art, or le jeu vidéo est contingent, donc le jeu vidéo est un art (bon j’arrête promis).
Enfin, bien entendu « l’art concerne toujours un devenir ». C’est une production, matériel (tableau, sculpture) ou intellectuel (la philosophie) et une nouvelle fois je n’ai pas à m’étaler sur des lignes pour les explications. Le jeu est une production.
(Il ne reste que deux paramètres accrochez-vous c’est presque fini).
De plus l’art comme beaucoup le reconnaissent est quelque chose qui « [produit] le plaisir ». Dans cette formulation que j’ai extraite ainsi sans contexte il s’agit de plaisir esthétique. Un plaisir qui procure de l’émotion, qui donne quelque chose comme de la stupéfaction, un petit frisson, un sourire. Que les plus sceptiques d’entre vous osent me dire que ça :
 Ori and the blind forest

ça ne possède pas un certain plaisir esthétique.
Je vais très vite finir sur la fonction de la mimesis dans l’art. La mimesis n’est pas un sujet que je maîtrise énormément alors pour éviter de faire le faux savant je vais parler de ce que j’en ai compris et rester très vague afin de ne pas creuser des détails de la notion que je ne peux pas comprendre : l’art permet d’imiter l’humain soit parfaitement soit en l’esthétisant et l’homme aime ça. La mimesis était une notion très importante des tragédies à l’époque grecque (mais je pense qu’on peut l’étendre à l’art en général) parce qu’imiter ainsi l’humain permet de se purger de ses émotions en les regardant, c’est plus attrayant quelque chose qui imite notre nature et cela peut produire un discours. La mimesis est omniprésente dans les jeux vidéo et si je peux en citer qui proposent un discours je pourrais bien entendu parler des metal gear ou des bioshock parmi beaucoup d’autres.

En conclusion, tout ce qui est production contingente suivant des règles proposant un plaisir esthétique et une imitation de la nature est de l’art, or le jeu vidéo est une production contingente suivant des règles proposant un plaisir esthétique et une imitation de la nature, donc le jeu vidéo est de l’art. Ou du moins il l’est devenu. Oui Pong ce n’est pas de l’art, il n’y a pas de discours, d’esthétique ni encore de vraies règles strictes. Sauf que le premier film des Frères Lumière n’était pas de l’art non plus. Le jeu vidéo a évolué et aujourd’hui certain jeux qui sortent sont incontestablement de l’art.



Nerd Anonyme