jeudi 23 juillet 2015

Blaise Pascal hésitant devant Bioshock

Le pari de Bioshock

Alors que je voulais me lancer dans un grand article fournissant une analyse pointue du premier volet de la série de jeux-vidéo Bioshock, je me suis rappelée que les grandes vacances étaient synonymes de paresse. Ainsi je me contenterai d’un petit texte un peu nul sur un seul et unique élément de Bioshock 1. Bien entendu, une fois cette fainéantise levée, je jure de faire honneur à ces jeux si remarquables.

Donc ici il s’agit de quelque chose d’un peu plus différent, je vais juste vous expliquer un concept philosophique à travers Bioshock 1 et il s’agit du pari de Pascal (*foudre*).  Alors Pascal, Blaise pour les intimes est un philosophe plutôt connu par tous grâce à sa phrase « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » que vous pouvez trouver mal comprise (parce que non il ne s’agit pas d’amour mais de religion) sous un bon paquet de photos de profil Facebook. Donc Blaise dans ses célèbres Pensées, exprime sur quelques lignes le pari de la croyance en Dieu. Mais finalement cette réflexion (que j’expliquerai plus tard ne paniquez pas) s’applique à tous les paris et ce cher Blaisou a utilisé Dieu parce que voilà il était croyant et il voulait expliquer en quoi la croyance n’était pas plus absurde qu’autre chose.

Aparté sur Bioshock 1 parce que là on commençait déjà à s’ennuyer. Ce jeu est remarquable et a été applaudi notamment grâce au choix moral qu’il nous impose en cour de partie. Il s’agit du choix des petites sœurs. L’action se passe dans la ville de Rapture, une ville sous-marine régie par la science dans laquelle tout le monde se fait des mutations génétiques grâce à l’Adam. Sauf que c’est un peu parti en vrille et maintenant les gens sont un peu fous. Les petites sœurs donc sont des fillettes de 7 ans génétiquement modifiées et conditionnées pour récupérer l’Adam des cadavres de Rapture (la lutte pour le travail des enfants est pas bien avancée je crois). Lorsque vous en croisez une, vous êtes face à deux choix : soit vous la « récoltez » (ce qui revient à la butter, kids ? i dont give a shit) et dans ce cas vous avez plein d’Adam et donc plein de pouvoirs et donc le jeu est plus facile ; soit vous la sauvez et dans ce cas vous êtes vraiment sympa mais vous allez avoir moins d’Adam donc le jeu sera plus chiant.

Ce moment gênant où tu veux tuer une petite fille
Revenons à Pascal maintenant. Selon lui, croire en Dieu est statistiquement plus intéressant : si on décide de croire en Dieu donc de s’imposer tous les désagréments du dogme comme le carême, la messe, les sacrements et tout le bordel et bien au moment de la mort si Il existe on va au paradis donc on a un bonheur infini et si Il n’existe pas et bah c’est le néant et on a mal cru. Si on décide de ne pas croire en Dieu, on a une vie plus cool pleine de coc et de putes et au moment de la mort, si Il n’existe vraiment pas bah voilà on a eu raison de se faire plaisir mais si Il existe c’est direction l’enfer et la damnation éternelle. Donc Pascal suppose qu’il vaut mieux croire en Dieu parce qu’au pire on aura juste tord alors que si on y croit pas, au pire on se tape la souffrance infinie.

Dans Bioshock on a le même raisonnement puisqu’il y a deux fins différentes selon le choix qu’on a fait [ZONE SPOILER]. Si tu décides de tuer toutes les petites sœurs, le jeu c’est du easy shit sauf que tu as une fin où ton personnage devient un peu un gros fdp et puis le monde risque une guerre nucléaire toussa toussa. A contrario si tu les sauves, à la fin tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, tu remontes à la surface avec les petites filles qui deviendront tes biatch (ou ta famille) .[Faut aussi rajouter que si on les sauve au bout d’un moment leur créatrice va vous offrir des objets vraiment cools mais ça, ça fait des paramètres en plus donc fuck the world].

Olala je suis vraiment un gentil personnage
Ce jeu conceptualise donc plutôt bien le pari de Pascal. Tout est une histoire d’investissement à long ou à court terme. Alors vous faites pas chier à croire en Dieu, et vivez l’expérience dans Bioshock.

PS : Bioshock 2 offre le même genre de choix sauf que j’y ai pas joué depuis longtemps donc je l’ai pas pris en exemple l’ayant bien moins en tête.



Nerd Anonyme

samedi 11 juillet 2015

Descartes achète un robot

Une machine peut-elle penser ?

Cette année, avec la sortie de Chappie, Ex Machina, les nouveaux héros ou avengers l’ère d’Ultron, on peut dire que l’un des thèmes les plus récurrents de 2015 est l’intelligence artificielle. Déjà, au début de l’année avec la sortie d’Imitation game, sorte de biopic sur Alan Turing homme brillant ayant fait quelques travaux sur le sujet on a pu sentir à quel point le propos tient à cœur aux mentalités en ce moment. Bien entendu Her l’année dernière, ou Blade Runner, A.I ou 2001, l’odyssée de l’espace bien avant, prouvent l’interrogation de longue date de l’homme sur le sujet de la machine qui pense. L’intelligence artificielle est un domaine qui interroge beaucoup la physique et les sciences en général et ces branches étant l’exact opposé de mon rayon de prédilection, je vais m’essayer à expliquer aujourd’hui les enjeux philosophiques et non scientifiques de l’intelligence artificielle.

Surprise mother fucker
L’intelligence artificielle se base sur le principe qu’une machine puisse imiter un humain. Il ne s’agit pas de faire un robot comme l’homme mais capable d’imiter l’homme ce qui est sensiblement différent et prouve que l’intelligence artificiel, plus qu’un fantasme est peut être plausible. Une machine peut-elle imiter un homme ? C’est ce que nous montre le film Chappie de Neill Blomkamp au début lorsqu’au cours de son éducation, Chappie le robot passe par une phase d’imitation. Ici, on part du principe que pouvoir imiter l’homme c’est être une intelligence artificielle et certains peuvent rétorquer que l’humain restera supérieur par sa conscience. Le courant de philosophie de l’esprit qu’est le computationnalisme soutient que le cerveau humain est comme un ordinateur et que chaque état mental n’est que le résultat d’un calcul suite au traitement d’une information. Cette philosophie se base sur le principe que chaque réaction est due à une cause et que si on comprend ses principes de causalité on peut imiter le cerveau humain. Si celui-ci n’est que mathématiques, s’il ne s’agit que d’une relation de causalité, l’esprit humain est imitable. Descartes avait déjà une approche de ce type avec sa théorie de l’animal machine (il n’estimait pas cette idée pour l’homme mais que pour l’animal). En effet selon Renée Descartes, philosophe du XVIIeme très important dans l’histoire de la philosophie notamment parce qu’il est le premier à avoir écrit un ouvrage en langue vernaculaire et non en langue latine en France, le comportement animal ne répond qu’à quelques mécanismes décelables. La Mettrie, autre français, un siècle plus tard radicalisera cette thèse en parlant d’un homme-machine. Ainsi il prône la méthode empirique, idée selon laquelle toute connaissance est le fruit d’expériences. L’idée de La Mettrie rapportée au monde réel soutient donc la possibilité de faire d’une machine l’imitation parfaite d’un humain : il lui suffit de faire des expériences à l’image de l’OS1 dans le film Her qui découvre des sentiments en expérimentant des choses.


Pourtant bien des critiques s’opposent fermement à la possibilité de l’homme machine. Reparlons de Descartes que nous avions bien vite survolé. Il parlait d’un animal machine mais pas d’un homme machine car selon lui il existe une dualité chez l’être humain : l’âme et le corps. L’homme possède une âme qui est elle-même une substance pensante (d’où la fameuse phrase « je pense donc je suis »). Cette âme est là dès le primitif de l’homme : grossièrement on peut expliquer que certes nous nous développons grâce à nos expériences mais il existe une substance à l’origine (notons que Descartes croyait très fort en Dieu). S’il existe une âme, quelque chose d’unique à l’homme et bien on ne peut créer l’équivalent. Hubert Dreyfus, philosophe américain contemporain, soutient que l’intelligence artificielle n’est pas impossible mais s’oppose vivement aux théories computationnalismes évoquées plus tôt et pour se faire il s’appuie sur la phénoménologie et plus précisément sur Martin Heidegger (philosophe du XXeme, incontournable dans l’histoire mais créateur de polémiques puisqu’il avait quand même une carte du parti nazi). La phénoménologie se concentre elle aussi sur les expériences vécues donc sur les phénomènes. Selon Heidegger, on ne peut théoriser la vie, car plus que la réaction mécanique à certains phénomènes l’homme est en capacité de comprendre ce qu’il fait et il possède un certain instinct. Dreyfus reprend donc cette idée face aux computationnalistes et argue que même si on peut établir des lois de comportements à partir de causes on ne peut pas toujours en faire des principes absolus et le contexte reste très important. Dans Her par exemple cela appuierai l’idée que le robot ne pense pas : Samantha n’a pas d’identité propre elle ne fait qu’imiter son premier possesseur sans comprendre.

La possibilité de l’intelligence artificielle se base en réalité sur une certaine vision de l’esprit humain. Mais ne pouvons-nous pas retourner le problème dans l’autre sens ? La question est de savoir si une machine peut imiter l’homme mais est-ce que l’homme peut devenir une machine ? C’est ce que déplore le philosophe français Jean Baudrillard décédé récemment en parlant de l’homme virtuel qui pense de moins en moins dans son texte « Xerox et l’infini ». Selon lui les machines se différencient de l’homme car elles n’ont pas de « plaisir de vivre ». Sauf que l’homme se collant aux images, devenant un handicapé par son entourage technologique, perd petit à petit cette capacité et donne en spectacle son intelligence aux machines. L’homme est devenu un écran. Devant se réduire aux capacités des machines, sa vision est déformée et réduite par les possibilités de celles-ci quand bien même il aurait été capable de les dépasser. Il n’y a plus une action « qui ne désire être photographiée, filmée, enregistrée ». L’homme s’exorcise dans la machine et devient donc la machine. Ainsi selon cette vision de la modernité, l’homme en développant les machines en devient une à son tour et se laisse assister par ce qu’il a créé le rendant encore plus neurasthénique. Pour citer Her à nouveau, c’est un peu un personnage comme cela qu’est le personnage principal : seul, entouré de machines et ne créant lien qu’avec celle envers qui il a transmis son intelligence. Il se complet dans ce lui-même qu’il a créé à travers Samantha et vie selon les contraintes d’une machine depuis qu’il a entamé une relation avec elle (comme l’impossibilité de faire l’amour par exemple). D’autres films de science-fiction mettent en évidence cette frontière très floue qui peut découler du développement des machines : par exemple le chef-d’œuvre qu’est Blade Runner pose un mystère quant à l’identité du personnage joué par Harrison Ford : à la fin on ne sait pas s’il est un homme ou une machine.


L’intelligence artificielle est-elle plausible ? Tout dépend du point de vu objectif que l’on a à propos de la conscience et des réactions humaines. L’intelligence artificielle est aujourd’hui un fantasme humain qui inocule la culture mais il faudrait aussi se demander ce que la course à la machine qui pense peut engendrer sur l’humanité. A vouloir tout déléguer aux machines il pourrait arriver une déshumanisation massive.


Nerd Anonyme